Depuis 2015, "40 millions d’automobilistes" alerte les pouvoirs publics sur la lente et inexorable dégradation du réseau routier français : il n’aura fallu que quelques années pour que la France sombre dans le classement international de l’entretien des routes du World Economic Forum. Longtemps 1ère de ce classement, la France a glissé à la 7ème place en 2015, puis a dégringolé au 18ème rang en 2019. L'association dénonce l’immobilisme de l’État et demande la mise en œuvre des réformes et des budgets nécessaires à la préservation et à la rénovation du patrimoine routier français, garant de la sécurité des usagers.
La chaussée est soumise en permanence à des agressions multiples qui la fragilisent et en accélèrent l’usure.
Tout d'abord le trafic : tout passage d’un véhicule sur la chaussée provoque une petite fatigue de la route et l’use. De ce point de vue, les poids lourds sont particulièrement agressifs : le passage d’un essieu de 13 tonnes a autant d’effet sur la structure de la chaussée que celui d’un million de véhicules de tourisme ! La répétition des charges entraîne ainsi une fatigue générale de la chaussée qui présente alors des dégradations. Le frottement des pneumatiques en mouvement sur la couche de roulement conduit également à son vieillissement.
Ensuite, les conditions climatiques : l’eau est l’ennemi "numéro 1" de la route : associée au problème du gel, elle entraîne de nombreux désordres et les variations de température accélèrent le vieillissement des chaussées. L’eau peut atteindre le sol par-dessus (infiltration de la pluie au travers de la chaussée), par les côtés ou par-dessous (nappes phréatiques, sources).
Les malfaçons d’origines diverses lors de la construction ou de l’entretien et les tranchées exécutées ultérieurement sont également causes de désordres.
En outre, les accidents, les endommagements de surface ou encore les dégradations structurelles ont leur rôle à jouer dans cette dégradation.
L’État et les collectivités territoriales doivent assumer les dépensent relatives à la construction, à l’aménagement et à l’entretien des routes. Cette responsabilité ne s’entend pas seulement en ce qui concerne la chaussée, mais tous les éléments constitutifs de la voirie. Les équipements routiers, font également l’objet d’obligations en matière d’investissement, d’aménagement et d’entretien. Ces équipements sont de différentes natures et remplissent diverses fonctions : on distingue ainsi les équipements de signalisation routière et les équipements de protection des usagers.
Les dépenses de fonctionnement comprennent les dépenses d’entretien ou de réparation destinées à conserver la voirie dans de bonnes conditions d’utilisation ou à la remettre en bon état d’utilisation (pour les chaussées et les accessoires des chaussées : accotements, trottoirs, pistes cyclables, talus, soutènements, ouvrages d’écoulement des eaux, ponts, signalisation, plantations, élagage et ventilation), au maintien des conditions normales de circulation (balayage, nettoiement et viabilité hivernale) et aux moyens de service (personnel, gestion des frais administratifs, entretien et réparation des bâtiments, des installations, du matériel et de l’outillage).
Les dépenses d’investissement concernent les "travaux pouvant être immobilisés", c’est-à-dire tous les travaux qui ont pour but l’amélioration du service rendu à l’usager, le remplacement d’ouvrages, la construction de voies nouvelles et les modifications substantielles et améliorations apportées à la chaussée et aux accessoires des chaussées.
Mais face aux budgets alloués dans cet objectif, l'État et les collectivités peinent à assumer la responsabilité qui leur incombe en termes de maintenance et d’amélioration des infrastructures routières, avec pour conséquence une augmentation des risques encourus par les usagers.
Pour l'association "40 millions d'automobilistes", il n’est pas concevable que la France ne préserve pas la qualité de son réseau : il s’agit de notre patrimoine de mobilité.
Le réseau que l’on parcourt aujourd’hui quotidiennement est le résultat de ces siècles d’évolution, à la fois en termes d’extension des voies de circulation et de savoir-faire dans la réalisation des travaux. Avec l’apparition et la démocratisation de l’automobile au début du XXème siècle, les irrégularités de chaussées deviennent problématiques : sans revêtement ni signalisation, les routes sont dangereuses à pratiquer. Le Code de la route et les premiers panneaux de signalisation apparaissent en 1924. Entre les deux guerres mondiales, l’État français fait goudronner les voies nationales et départementales. Par la suite, sous l’impulsion des politiques de mobilité et grâce aux investissements publics, le réseau continue de s’étendre et de se densifier et les premières autoroutes sont construites dès les années 1960.
Le réseau routier français est aujourd'hui estimé à 1071176 kilomètres, dont 9053 km d’autoroutes. Sa valeur patrimoniale est quant à elle estimée à près de 2000 milliards d’euros.
L'association estime que la France abandonne ce qui fait sa force : en délaissant l’entretien des routes, la France prend le risque d’une dégradation qui obligerait à une réfection totale de la voirie. Les professionnels de la route estiment en effet que la réfection d’une route coute jusqu’à 7 fois plus cher qu’un entretien régulier.
Avec sa campagne "J’ai mal à ma route" conduite en 2015, "40 millions d’automobilistes" avait été le précurseur de cette alerte en démontrant la baisse de niveau d’entretien des routes françaises.
À ce mauvais calcul économique s’ajoute aussi le manque de sécurité associé à la dégradation du réseau. Comment assurer la sécurité des français sur un réseau dégradé ?
Le projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport rappelle les conclusions du programme REAGIR, qui met en exergue que "47 % des accidents comport[ent] des facteurs se rapportant à l’infrastructure". L’accident de la route est donc une combinaison des facteurs conducteur-véhicule-infrastructure, dans laquelle la part de mise en cause du dernier des trois facteurs doit inciter les Pouvoirs publics à placer l'état des infrastructures routières au centre des préoccupations de sécurité routière, car elles constituent une des principales pistes d’action pour améliorer les conditions de sécurité sur la route.
Abaisser la limitation de vitesse sur le réseau secondaire pour donner l’impression que l’on se préoccupe de la sécurité des Français n’a aucun sens lorsqu’en parallèle, l’État est dans l’incapacité d’assurer une stabilité du niveau de sécurité de nos routes...
Alors que les sommes investies et allouées par l’État aux collectivités locales pour subventionner la construction et l’entretien des réseaux routiers dont elles sont responsables diminuent d’année en année, les gestionnaires de voirie concentrent leurs efforts sur le maintien à niveau des routes, non sans difficultés ; pour l’association "40 millions d’automobilistes", l’État doit impérativement lancer un plan d’urgence de maintien du niveau de sécurité de nos routes.
Un rapport publié en février 2022 par la Cour des Comptes révèle que malgré ce fait désormais bien connu des autorités comme du grand public, la situation est loin de s’améliorer en France. La qualité du réseau routier national et départemental continue à se dégrader d’année en année, en raison du manque de moyens humains, techniques, matériels et financiers mobilisés par l’État depuis la décentralisation opérée au début des années 2000.
Malgré les alertes répétées formulées par différentes institutions et organismes, l’État français a continué à négliger l’entretien de ses routes secondaires et fait comme si cela n’allait avoir aucune conséquence économique ou sociale. Mais on voit bien que toutes ces années d’immobilisme ont favorisé l’accélération de la détérioration des routes et rendu encore plus difficile leur maintenance et leur remise en état : "40 millions d'automobilistes" rappelle que pour 1€ qui n’a pas été engagé au moment opportun, lorsqu’il était encore possible de réaliser des interventions mineures, ce sont jusqu’à 10€ qui doivent être investis aujourd’hui pour éviter que la même route tombe en ruines.
[Initialement publié le 14 octobre 2019]