Il y a 2 ans, la Sécurité routière nous présentait son nouveau dispositif de contrôle-sanction automatisé : le radar tourelle, capable de contrôler divers comportements dangereux, tels que l'usage du téléphone au volant ou encore le non-respect des distances de sécurité. Nombreux sont ceux qui se sont laissés séduire par la pirouette de communication de l'organisme gouvernemental, qui promettait un nouvel outil s'attaquant, pour une fois, à d'autres facteurs d'accidentalité que la vitesse. Mais 2 ans après son apparition au bord des routes françaises, force est de constater que le radar tourelle n'est en réalité qu'un radar de vitesse supplémentaire, homologué et perfectionné uniquement pour traquer le moindre kilomètre/heure de trop.
En juin dernier, sur la commune d’Annemasse en Haute-Savoie, un radar tourelle était installé sur le terre-plein central d’une avenue, pour remplacer le précédent radar fixe qui avait été vandalisé jusqu’à la destruction. Jusque-là, rien d’étonnant en apparence pour les automobilistes, qui sont habitués à voir fleurir toujours plus de radars sur le bord de routes. Mais ce qui a interpellé les usagers est le fait que cette installation d’une nouvelle cabine soit accompagnée de la pose non pas d’un, mais de deux panneaux de signalisation du radar : un pour chaque sens de circulation.
Et pour cause, ce radar tourelle d’Annemasse est le tout premier en France à mettre en oeuvre une nouvelle fonctionnalité pour ce type d’appareil : le contrôle et la sanction automatisés de la vitesse dans les deux sens de circulation.
Ainsi, 2 ans après son apparition en France, non seulement les radars tourelles ne relèvent (pratiquement) que les infractions liées à la vitesse, mais ils sont en plus dorénavant dotés d'une fonction supplémentaire qui rend le radar d’autant plus redoutable et piégeux pour les usagers.
Pour preuve, à ce jour, ce sont un peu moins de 800 radars-tourelles qui sont implantés en France. Sur ce nombre, seules une quarantaine de machines verbalisent le non-respect d’un feu rouge, tandis que toutes les autres ne servent à sanctionner que la vitesse. À la fin de l’année prochaine, ce sont 1400 cabines qui devraient jalonner nos routes.
L'association "40 millions d’automobilistes" dénonce l’hypocrisie de la Sécurité routière, qui avait présenté le radar-tourelle comme un appareil destiné à sanctionner principalement les comportements les plus dangereux sur les routes : franchissement d’un feu rouge ou d’un passage à niveau, les dépassements dangereux, le non-respect des distances de sécurité… Alors que les appareils installés depuis 2 ans sur les routes françaises ne servent finalement qu’à verbaliser la vitesse, et essentiellement les petits dépassements de vitesse.
Si la méthode était déjà discutable à l'époque – le recours systématique à des machines plutôt qu’à l’humain pour contrôler et sanctionner n’étant, selon "40 millions d'automobilistes", pas la bonne solution – l’arrivée de ces appareils prétendument capables de cibler les infractions réellement dangereuses aurait au moins pu marquer la volonté de s’attaquer aux véritables causes de l’accidentalité routière. Malheureusement, ces radars-tourelles ne sont finalement que des cash-machines supplémentaires bardées de technologie pour lesquelles la Sécurité routière a investi des sommes colossales dans le seul but d’intensifier encore la répression des petits excès de vitesse non-accidentogènes.
Le radar-tourelle est donc une arme supplémentaire dans l’arsenal de répression massive de la Sécurité routière. Et il est d’autant plus redoutable qu’il n’émet pas de flash et met en oeuvre une technologie infrarouge invisible pour "photographier" le véhicule mesuré en infraction. Aussi, en cas de petit excès de vitesse, le plus souvent, l’usager ne sait même pas qu’il a été verbalisé. On est donc au degré zéro de la prévention et de la pédagogie. Imaginez maintenant qu’en plus d’invisibiliser le flash, on invisibilise le radar lui-même, en l’implantant là où l’usager ne s’y attend pas, sur le terre-plein central d’une autoroute par exemple… C’est le piège parfait contre les automobilistes et c’est scandaleux.
L’association rappelle qu’en juin 2021, un rapport d’évaluation de la politique de sécurité routière réalisé par la Cour des Comptes estimait qu’il était indispensable de changer radicalement et urgemment de logiciel pour renouer avec une baisse sensible et durable de la mortalité routière, la politique du "tout-radar" ne permettant plus depuis bien longtemps d’atteindre les objectifs visés.