La menace du déploiement des voitures-radars confiées à des prestataires privés prend de l’ampleur : les radars embarqués privatisés se déploieront, en 2022, dans l'ensemble de la France métropolitaine.
Le dispositif de radars embarqués est en mesure de traquer la vitesse des véhicules en roulant et en mode stationnaire ; néanmoins, les voitures-radars sous le joug des sociétés privées flashent en étant mêlées au flux de circulation, et ce quel que soit le sens de circulation du véhicule contrôlé.
Les véhicules concernés par la privatisation sont banalisés, tandis que les radars de vitesse dont ils sont équipés sont dissimulés dans les plaques d’immatriculation. Si certains sites d’information spécialisés parviennent à débusquer les modèles de voitures-radars appartenant au privé, il est toutefois quasiment mission impossible pour un automobiliste en circulation de les repérer.
L’objectif des autorités est justement « qu’elles s’intègrent dans la circulation de façon anonyme », comme l’euphémise la préfecture du Loiret.
En clair : rendre les contrôles invisibles pour verbaliser davantage. Souriez, vous êtes flashés !
Depuis 2015, année des premiers balbutiements de la mesure de privatisation des radars embarqués, la mesure a fait son chemin, et ce à la fois malgré l’opposition massive des usagers et la bataille judiciaire entamée par l’association « 40 millions d’automobilistes » sur le caractère illégal de l’externalisation de la gestion des voitures-radars, que les révélations tonitruantes du Canard Enchaîné à ce sujet semblaient confirmer.
Après la Normandie, la Bretagne et les Pays de la Loire, les radars embarqués issus du privé circulent, depuis le 4 janvier 2021, dans la région Centre-Val de Loire.
Depuis 2021, la nouvelle arme de la Sécurité routière se déploie également dans les Hauts-de-France, en Bourgogne-Franche-Comté, dans le Grand-Est et en Nouvelle-Aquitaine.
En 2022, c'est tout l'Hexagone qui sera couvert par le dispositif qui s'étendra alors à l'Île-de-France, l'Auvergne-Rhône-Alpes, la Provence-Alpes-Cote d'Azur et l'Occitanie.
Car si le dispositif de privatisation des voitures-radars se fait pour le moment discret (peu de contrevenants flashés en raison de la sous-exploitation actuelle du système), le potentiel de rentabilité financière du recours à l’utilisation des radars embarqués dans des voitures banalisées conduites par des prestataires privés est pour le moins conséquent.
À la genèse du projet, la Sécurité routière prévoyait en effet de remettre entre les mains de sociétés privées pas moins de 440 véhicules : en se basant sur une journée type de 8h et les estimations de 30 conducteurs flashés par heure, on obtient un total de quelque 38,5 millions de PV dressés à l’encontre des automobilistes. En sachant que le montant moyen d’une amende s’élève à 56,85€, la coquette somme collectée par l’État grâce à la mesure pourrait s’élever à 2,2 milliards d’euros.
Souriez, vous êtes ruinés !
La « radarothérapie » à la française et les recettes qu’elle a générées depuis ses débuts par le biais de la chasse au moindre kilomètre/heure de trop a conduit à un tel ras-le-bol du système de contrôle-sanction automatisé que l’on en oublierait presque son objectif initial : sauver des vies sur la route.
Et c’est justement là que le bât blesse : alors que le système radar, autrefois efficace pour réduire les grands excès de vitesse, a maintenant atteint ses limites et ne parvient plus à inverser la courbe de la mortalité routière, la privatisation des radars mobiles mobiles marque un nouveau tournant dans une politique de sécurité routière obnubilée par le soldat radar.
Car les conducteurs au volant des voitures-radars privées n’appartenant pas aux forces de l’ordre, ils n’auront naturellement aucun pouvoir d’immobilisation des usagers en infraction. Autrement-dit : l’automobiliste lambda en petit dépassement de vitesse involontaire sera contrôlé au même titre qu’un chauffard en grand excès de vitesse ; ce dernier pourra poursuivre sa route sans être intercepté et continuer à représenter un danger, il recevra seulement le PV à domicile après les faits.
S'il faut être conscient que la principale conséquence de cette privatisation est que les usagers aux comportements réellement dangereux ne seront plus neutralisés, il faut ajouter à cela le fait que la mesure démet les personnels qualifiés de la Police et de la Gendarmerie de leurs fonctions d’agents de la sécurité routière, alors qu’ils jouent un rôle majeur en termes de prévention et de pédagogie auprès des usagers de la route.
Parce que faire de la sécurité routière, ce n’est pas seulement verbaliser !
Enfin, "40 millions d'automobilistes" rappelle que cette privatisation des voitures-radars s’est faite au moyen de marchés publics : l’État délègue une de ses missions régaliennes à des sociétés privées, qui sont rémunérées grassement pour cela. Dans chaque région administrative, une entreprise a été sélectionnée par appel d’offre ; le montant total des contrats accordés par l’État aux 8 régions concernées par la privatisation à la fin de l’année 2021 (soit 226 voitures) pour les 4 années à venir est de l’ordre de 78 millions d’euros.
L’association « 40 millions d’automobilistes » ne cesse de le marteler : une politique de sécurité routière efficace doit être construite avec les usagers de la route, et non contre eux.
À l’heure où les radars sont davantage perçus par l’opinion publique comme une « pompe à fric » que comme un outil favorisant la sécurité routière, la propagation des voitures-radars par le biais du recours à des prestataires privés est particulièrement malvenue.
Si vous avez à cœur d’agir pour une politique de sécurité routière réellement efficace aux côtés de l’association « 40 millions d’automobilistes », et de sortir de l’objectif lucratif du Gouvernement, mobilisez-vous sur notre pétition « Plus un radar de plus », déjà soutenue par plus de 148 000 signataires.
Publié initialement le 08/01/2021