À l'occasion d'un Comité interministériel pour la Sécurité routière (CISR) qui s'est tenu le 17 juillet 2023, la Première ministre Elisabeth Borne a présenté une série de mesures visant notamment à mieux accompagner les victimes d’accident de la route et leurs familles, à lutter contre les comportements dangereux au volant et à renforcer la détection des inaptitudes à conduire. L'association "40 millions d'automobilistes" réagit à ces annonces et souligne qu'un changement de sémantique ne suffit pas à lutter contre les comportements dangereux sur la route.
#SécuritéRoutière | Face aux comportements dangereux, drogue et alcool au volant, nous renforçons les sanctions.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) July 17, 2023
Et pour les Français qui prennent la route au quotidien : les petits excès de vitesse de moins de 5km/h n’engendreront plus de retrait de points. pic.twitter.com/h5bR7FHhwy
Parmi les mesures annoncées, il y a la création d’un délit d’homicide routier à l’encontre des conducteurs ayant provoqué un accident mortel après avoir commis une infraction au Code de la route (feu rouge grillé, excès de vitesse, conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants…). Cette proposition était portée par de nombreuses associations de familles de victimes, à l’instar de l’Association Antoine Alléno, pour qui le terme d’homicide involontaire était inacceptable. Cependant, le gouvernement ne prévoit pas d’alourdir les peines encourues, faisant de la mesure une simple requalification pénale. Celle-ci devra faire l’objet d’un vote au Parlement pour être adoptée définitivement.
Pour "40 millions d’automobilistes", ce changement sémantique est insuffisant. Au-delà du symbole, elle estime qu’il est nécessaire de prendre à bras le corps la problématique de l’alcool et des stupéfiants sur les routes : l’association appelle à la création d’une police de la route pour réaliser plus de contrôles préventifs et stopper les conducteurs dangereux avant la survenue d’un accident. Elle souligne aussi la nécessité pour la Justice de prononcer des peines plus significatives envers les conducteurs ayant provoqué un accident mortel.
3267 personnes sont décédées sur les routes françaises en 2022. La conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants figure toujours parmi les principales causes d’accidents mortels : une alcoolémie excessive et la consommation de drogues ont été constatées respectivement dans 23% et 13% des accidents mortels survenus l’an dernier. La Sécurité routière rappelle que le cocktail drogues/alcool multiplie par 29 le risque d’avoir un accident mortel.
Ces comportements restent très fréquents sur les routes françaises, bien qu’ils soient extrêmement dangereux. Pour "40 millions d'automobilistes", la suppression du terme "involontaire" de la dénomination juridique était souhaitable, d’une part pour ne pas rajouter de la souffrance à la peine endurée par les familles de victimes, et d’autre part pour signifier clairement que l’on considère la prise de risque qui a mené au drame comme délibérée. Mais il faudra assurément plus qu’une modification sémantique pour obtenir des résultats concrets en matière de sécurité routière. Il faut aller plus loin dans la démarche, et rendre une bonne fois pour toutes socialement inacceptable le fait de boire et conduire, ou de consommer de la drogue et conduire.
Pour Me Ingrid Attal, vice-présidente de l’association et avocate en droit routier, si cette requalification ne s’accompagne pas de modifications au niveau des peines encourues, elle ne peut prendre tout son sens qu’à la condition qu’en pratique, la Justice joue aussi son rôle en prononçant des peines plus significatives, pour permettre une véritable prise de conscience du conducteur jugé comme le responsable de l’accident. Actuellement, la loi prévoit des peines allant jusqu’à 10 ans de prison et 150000€ d’amende (en cas de circonstances aggravantes, comme la consommation d’alcool et de stupéfiants) pour les responsables d’un accident mortel. Dans les faits, on constate que les sanctions prononcées par les Tribunaux sont souvent bien moindres, provoquant ainsi l’incompréhension des familles de victimes.
À noter que dans le cadre de la lutte contre l’alcool et les drogues au volant, la Première ministre a annoncé que la suspension du permis de conduire sera désormais automatique en cas de conduite sous l’emprise de stupéfiants. De même, le véhicule pourrait être systématiquement immobilisé et mis en fourrière en cas de contrôle positif du conducteur aux stupéfiants et à l’alcool.
"40 millions d’automobilistes" milite depuis de nombreuses années pour la création d’une véritable police de la route, spécialement dédiée et formée à la lutte contre les comportements dangereux, et un renforcement des contrôles routiers préventifs d’alcoolémie et de stupéfiants, qui sont actuellement trop peu nombreux pour être dissuasifs et avoir un impact notable sur ces pratiques.
D’autres mesures ont été prises à l’occasion de ce CISR, parmi lesquelles la dématérialisation totale du permis de conduire à partir de 2024 et la création d’une application permettant de consulter directement le solde de points de son permis de conduire.
Aussi, l’obligation de l’apposition de la vignette verte de l’assurance devrait être abrogée en 2024. Celle-ci sera enregistrée directement dans le fichier des véhicules assurés, consultable par les forces de l’ordre.
Enfin, le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de ne plus supprimer de point sur le permis de conduire pour les petits dépassements de vitesse inférieurs à 5km/h.